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Alain Galindo, de l'écrivain au lecteur
1 février 2010

Le camion électrique

49299216

La partie de bridge
- J'ai entendu parler Firmin, ce matin, dit Madame Houps.
- Il a une belle voix, renchérit Madame Plusse.
- C'est pas ce que je voulais dire. Je voulais dire que j'ai entendu des mots sortir de sa bouche.
Elle ne le faisait pas exprès. Elle était comme ça. Elle accouchait difficilement de ses idées. Et quand elles finissaient par naître, on n'en avait plus rien à faire, en général, de ses idées.
- Il parlait d'une chose qui m'étonne.
- Plus rien ne m'étonne, maintenant, à mon âge, dit Madame Chaitout.
- Ça m'étonne, ça. Plus rien ne vous étonne ? dit Madame Plusse.
- Non, plus rien. Étonnant, non ?
- Pour les autres, oui, dit Julien, quelque peu agacé.
- Il a dit que des escargots s'étaient échappés.
Julien devint blême.
- Des escargots se sont enfuis ? Mais d'où peuvent-ils bien s'échapper, les escargots ? demanda Madame Plusse.
- Ça ne m'étonne pas, dit Madame Chaitout.
- D'un enclos, qu'il a dit, ajouta Madame Houps.
- Mon Dieu ! Quelqu'un retient des escargots prisonniers ? Quelle horreur ! s'écria Madame Plusse.
- Ça vous étonne, vous, la cruauté des hommes ? Pff ! Je fais avec depuis longtemps. Rien qu'à la télé, déjà…
- Oui, quelqu'un les enferme pour faire des expériences dessus, coupa Madame Houps.
- Oh ! Mon Dieu ! Avec les fils électriques et tout ? Quelle horreur ! dit Madame Plusse.
Puis, réfléchissant :
- En même temps, s'ils sont accrochés aux fils électriques, on va vite les retrouver, non ?
- Un enclos ? demanda innocemment Julien. Et où ça ?
- Il a pas dit, finit-elle.
Toute l'info était là.
Voilà.
Silence.
Chacun à son jeu.
La journée était belle, ils s'étaient installés à l'ombre du semi-remorque, grosse masse rassurante et, boissons sur la table, au milieu des cartes, ils tuaient le temps.
Un tour se fit et Madame Plusse dit :
- La pharmacienne n'a plus de préservatifs. Elle va en commander demain.
Madame Houps la regarda avec suspicion.
- Comment savez-vous ça ? Hippolyte met des préservatifs ?
- Non. C'est pour mon fils. C'est moi qui les lui achète. Par boîtes de dix. Une par semaine.
- Ça fait une fois et demie par jour, ça, dit Madame Chaitout, bonne en calcul mental.
- Je suppose qu'il doit plutôt faire une fois deux et une fois une, précisa Madame Plusse.
Les trois autres joueurs réfléchirent à ce qu'elle venait de dire. Puis, ayant compris, Madame Chaitout rajouta :
- Ou alors, rien de toute la semaine, sauf le samedi.
Elle posa ses cartes.
- Ou alors, il en utilise sept avec sa femme et trois avec une autre, dit Madame Houps.
Une minute de silence plana sur cette dernière supposition. Puis, Madame Plusse dit :
- C'est pour ça que j'ai demandé à la pharmacienne d'en commander par boîtes de sept. Ce sera plus simple.
- Ah ben oui, avoua Madame Chaitout. C'est plus simple.
- Et il en existe des « spécial migraine » ? demanda Madame Houps.
- C'est à dire ? demanda Madame Plusse.
- Ben… pour quand la femme a la migraine. Des préservatifs automatiques. Les hommes les enfilent, et hop ! ça part tout seul. Pas besoin de femme.
- Non, j'en ai jamais entendu parler, dit Madame Chaitout.
- Ça n'existe pas, intervint Julien.
- Dommage, lâcha Madame Houps.
- Oui, dommage, enchérit Madame Chaitout.
- Ben vrai, acheva Madame Plusse.
- À qui le dites-vous, paracheva Julien.
Voilà. En général, ça ne volait pas beaucoup plus haut. On en revenait souvent au comportement sexuel d'un tel ou d'une telle, pourvu qu'il ou elle soient absents, et, au bout du compte, on n'en savait pas plus. Et ce n'était d'ailleurs pas le but de la conversation.

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