Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Alain Galindo, de l'écrivain au lecteur
14 novembre 2009

Les recruteurs

49299216

Pour mon recueil de nouvelles « Les recruteurs  », le mieux est que vous lisiez celle-ci (qui n’est pas parmi les 16 nouvelles du recueil) et ainsi, vous faire une idée du contenu.

Tous droits réservés par M. Galindo Alain.

La punition ultime

- Vous venez pour réparer la moissonneuse ? demanda André.
- La moissonneuse ? Non. J'y connais rien en moissonneuse. Je suis recruteur.
- Cruteur ? Et de quoi ?
- RE. Recruteur d'âmes. Si vous voulez vendre votre âme au Diable, c'est à moi qu'il faut vous adresser. Sinon, je ne peux rien pour vous.
- Vous y croyez, vous, à ces sottises ?
- Ma foi, un peu, oui.
- Foutaises, je vous dis. Le Diable, il existe pas. C'est les curetons qui ont inventé ça pour nous faire peur. L'enfer et tout le reste, c'est pipeau.
- Si vous le dites... Sinon, c'est bien une auberge, ici ?
- Ben oui, c'est marqué là, devant !
- Alors j'aimerais juste manger, seul, sur une table isolée, sans parler à personne. C'est possible ?
- Ah ben, ouais. On doit pouvoir faire ça.
- Il est possible aussi de dormir ?
- Sur la table ?
- Vous n’avez pas de chambres ?
- Ah ben, je me disais aussi... Pour ça, faut que je voie avec Irène, ma femme.
- Je vous en prie.
André fila en coulisse et revint accompagné d'une grosse femme, mal fringuée, sale et affichant un sourire rayonnant. Le mot qui venait immédiatement à l’esprit était : moche. Et quand elle se pencha au-dessus du recruteur, il put sentir une vieille odeur d’égout sortir directement de sa bouche.
- Bonsoir ! L'André y vient de me dire que vous mangez ici ? Et que vous dormez ici ? Et que vous êtes, genre, un témoin de Tutenvah ou je sais plus comment qu'y s'appellent ?
- Alors, oui, je mange et je dors et non, je ne suis témoin de rien. Je suis recruteur d'âmes.
Elle en resta bouche bée.
- Truqueteur ?
Elle se tourna vers André.
- Tu le connais ce mot, toi ?
André se gratta le crâne et avoua :
- Ben, ça doit être une sorte de secte, non ?
La femme se rapprocha du recruteur. Il allait vomir.
- C'est ça ? Vous êtes d'une secte ?
- Non. Je suis directement envoyé par le Diable. Pas d'intermédiaire.
- Le Diable ! s'écria-t-elle. Ah ben, alors, ça va ! Y a pas de problème ! Non, parce que des gens des sectes, moi, ici, j'en veux pas. Allez, je vous sers un apéro !
- Je ne bois pas.
Bien que ça devrait désinfecter un peu, au moins, se dit-il.
- Ah ben alors, vous pissez pas non plus ?
- Rien à voir. Je ne bois pas d'alcool, c'est tout. C'est une des règles de déontologie chez les recruteurs.
- Ah ben ça, c'est ce qu'on va voir ! Le Léon To Machin, il est là ? Non ! Alors ?
- Non, Léon Tologie n'est pas là, mais je ne bois pas quand même.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda André en revenant avec une bouteille.
- Y boit pas, qu'y dit, le truqueteur. C'est qu'y veut me fâcher ! André, donnes-y une poire ! Et sers nous, tant que t'y es.
Le recruteur, assis de force à une table, ferma les yeux et regretta le choix de l'auberge. Il aurait dû pousser jusqu'à la ville, à trente kilomètres.
On lui servit son verre d'alcool de poire et il fut bien obligé de le boire.
- Bon, dit-il, et maintenant, je peux manger ?
- Ah ben, c'est sûr. Je vais vous amener de la charcuterie avec un bon rouge et ensuite, y a de la soupe aux choux avec du lard. Et comme dessert, une poire du jardin. Ça vous va ?
- Impeccable. Et de l'eau, aussi.
Irène lui tapa sur l'épaule, et dans un éclat de rire, insista lourdement :
- De l'eau, qu’y veut ! Sacré farceur, va ! L'eau, ça fait rouiller ! On en boit pas par ici, trop dangereux.
Voyant la grimace du recruteur, André se pencha vers lui et à l’oreille lui glissa :
- Moi, elle me force à lui faire crac-crac tous les soirs. Je peux même pas refuser, elle a une de ces forces... Alors, bon, si on boit… ma foi, ça me fera oublier, hein ?
Le recruteur compatit. Tous les soirs ? Oui, il voulait bien le croire. Elle était plutôt costaude, l’Irène. Impossible de lui refuser quoi que ce soit. Pauvre André.
Et puis un nouveau venu entra sans crier gare. En voyant le recruteur, il se tourna vers André et demanda :
- C'est le gars de la moissonneuse ?
- Eh non ! Il fait partie de la boîte sans intrediaire que les curetons y ont mis en branle, tu sais, à l'église.
L'autre ferma à demi les yeux, essayant de réfléchir et répondit :
- Les témoins de Jason Râ ?
- Non ! Pas ceux-là ! Les tructeurs Dam, je crois.
- Ah ben ! Dis donc ! T'en as du beau monde chez toi !
- Hein ! Ça t'en bouche un coin ! Allez, viens, on va trinquer avec le gonze.
Le recruteur ne put échapper au second verre. A jeun. Il sentit que les choses se présentaient déjà mieux.
Quand le troisième gars entra, alors que la femme d'André n'était toujours revenue de la cuisine, il sut qu'il allait mal finir.
Ils se retrouvèrent tous les quatre à trinquer à… ben, à rien, juste trinquer et le recruteur commença à dire des choses qui ne se disent pas.
- Et moi, moi, ben moi, je travaille pour Satan !
Les autres explosèrent de rire, à moitié couchés sur la table, en vrac.
- Et Satan, moi, je l'emmerde !
Les autres approuvaient en tapant sur la table.
- Le Satan, c'est rien qu'une crevure et on y chie dessus ! rajouta le recruteur.
Au huitième verre, le Diable en avait pris pour son grade. L'enfer et les truquéadors n'avaient qu'à aller se faire voir chez les curetons.
Quand un cinquième personnage entra dans l'auberge, le recruteur se dit qu'il l'avait déjà vu quelque part. Mais il l'accueillit comme la coutume le voulait :
- Oh là ! T'es qui toi ? demanda le recruteur en tapant plusieurs fois avec l’index sur l'épaule du nouveau. T'es le gars de la moissonneuse ? Non, parce que moi, une moissonneuse, je sais même pas à quoi ça ressemble.
Satan répondit alors :
- Je sais moissonner sans machine.
En entendant la voix caverneuse, le recruteur émergea un peu.
- Oups ! dit-il. Je me disais bien que je t'avais déjà vu quelque part, toi. T'es le patron, non ?
Il se tourna vers les autres, affalés autour des bouteilles posées sur la table et cria :
- Eh ! les gars ! Je crois que le gars, là, c'est mon patron. Ah ben merde, alors ! Ouais, je crois bien que c'est lui. Et vous savez quoi ? Ben, il est capable de moissonner sans machine, qu'y dit ! L'est fortiche, non ?
- On l’embauche ! cria André dans une seconde de lucidité.
Le recruteur se tourna vers le Diable et dit :
- Et c'est quoi qui nous vaut l'honneur de ta visite, mon pote ?
- J'ai entendu qu'on parlait de moi, je suis venu voir de plus près.
- Ah ! Ben ouais, dit le recruteur en se penchant sur le Diable, tout en posant lui sa main droite sur l'épaule. Mes potes et moi, on t'emmerde, je crois. On te chie dessus, même ! Tu vois ?
Il se tourna à nouveau vers les autres et dit :
- Pas vrai, les gars, qu'on y chie dessus, au patron ?
- On y pisse à la raie ! Ouais ! dit André. On est comme ça ici. Et avec ce qu'on boit, y pourra même pas rouiller ! Y a pas d'eau dedans !
Puis s'adressant au Diable :
- Eh ! Tu trinques avec nous ?
Devant cet affligeant spectacle, Satan trancha.
Il fuma les trois poivrots, n’en faisant qu’un petit tas de cendre et, d'une gifle magistrale, il dessaoula le recruteur.
Puis il s’installa à une table propre et dit :
- Tu comprends bien que je ne peux pas laisser passer tout ça. C’est ma réputation qui est en jeu. Viens t’asseoir en face de moi.
Le recruteur s’exécuta, doucement, craignant une seconde baffe.
- Je dois te punir. Il faut même que j’en fasse un exemple. Faudrait pas que tout le monde se mette à me traiter comme ça, tu crois pas ?
Le recruteur fit un petit non de la tête.
- Je ne connais qu’une punition pour ce genre de comportement. C’est pas que ça me fasse plaisir, crois-moi, mais je peux pas faire autrement.
Il fouilla dans une de ses poches et en sortit un anneau : une alliance, qu’il tendit au recruteur.
- Durant toute une vie, tu seras humain. Pas n’importe lequel : tu es, désormais, André.
Sur ce, Irène entra avec la charcuterie.

Publicité
Publicité
Commentaires
S
CA Y EEEEEEEEEST C'EST PARTI !!! Aujourd'hui 30 janvier 2010 le tout premier résultat de ton entreprise... T'as même pas attendu les beaux jours!
G
Tu l'as fait.<br /> Comme quoi il suffisait de s'y mettre...<br /> En tout cas, chapeau : je serais incapable d'entreprendre une telle aventure.<br /> (ce qui ne m'empêche pas d'être de tout cœur avec toi)
G
...que tu te décides à construire un blog. Mais maintenant, il serait temps, puisque toute la tuyauterie y est, n'est-ce pas, que tu le complètes.<br /> Commence par les extraits, par exemple et au hasard.<br /> Allez, vas-y, je te suis. <br /> As usual ;-)
Publicité